L’EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE PAR L’ETAT
(RESUME)
La décision de justice est un acte pris par les Tribunaux et Cours pout trancher les litiges que leur soumettent les justiciables. Le prononcé de la décision de justice met fin au différend et la décision ayant tranché le litige doit donc être mise à exécution.
L’exécution de la décision de justice consiste à lui donner sa pleine effectivité ; une décision de justice n’a de valeur qu’autant qu’elle peut être mise à exécution. Ainsi, exécuter une sentence qui prononce une condamnation à l’emprisonnement, c’est placer le condamné en détention pour la durée de la peine fixée par la décision.
Seule peut être mise à exécution la décision de justice exécutoire ; et une décision est exécutoire lorsqu’elle est définitive, c’est-à-dire lorsqu’elle ne peut plus être modifiée. Elle est alors revêtue de la formule exécutoire qui est l’ordre d’exécuter donné par le Président de la République, lequel agit lui-même en application de l’article 155 de la constitution qui fait obligation aux Autorités Publiques d’exécuter et de faire exécuter les décisions de justice.
- L’ETAT EST TENU D’EXECUTER LES DECISIONS DE JUSTICE.
La décision de justice rendue contre l’Etat s’impose à lui en application du texte sus cité. Il s’agit majoritairement des décisions rendues par les juridictions administratives, mais les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent aussi rendre de telles décisions. Si l’Etat est tenu d’exécuter une telle décision, Le bénéficiaire de la décision rendue contre l’Etat ne peut user de la voie de l’exécution forcée.
- Le principe de l’immunité d’exécution exclut toute exécution forcée de l’Etat.
En vertu de cette règle, les voies d’exécution forcée de droit commun telles que les saisies conservatoires, les saisies attribution de créances, les saisies immobilières, les saisies vente etc,,, ne peuvent être entreprises sur les biens de l’Etat et ses démembrements, Ces biens sont insaisissables.
En cas de condamnation pécuniaire, le rôle de l’agent d’exécution, le commissaire de justice, se limite, après avoir procédé à la signification de la décision, à présenter au service compétent, l’agence judiciaire de l’Etat, le montant de la réclamation en principal, intérêts et frais. Après validation ce service transmet la demande d’exécution à l’administration compétente pour ordonnancement puis paiement. Bien que selon la loi, la somme à payer « doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice », des considérations d’ordre budgétaire retardent le règlement, et le bénéficiaire n’a d’autre solution que de s’armer de patience.
Les décisions portant annulation des actes administratifs ne sont pas mieux loties, puisque l’administration, dans ces hypothèses, refuse bien souvent ostensiblement de tirer les conséquences de la décision du juge, invoquant cette fois-ci, une entrave à l’action administrative. Il a fallu chercher à vaincre la résistance de l’administration, et l’on a cru pouvoir y parvenir en renforçant le pouvoir du juge administratif, dans son rôle de juge du contrôle de l’action administrative.
- L’incitation de l’Etat à l’exécution des décisions de justice.
Les moyens incitatifs sont contenus dans les dispositions des articles 121 à129 de la loi du 17 décembre 2020 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’Etat. Il s’agit de moyens mis à la disposition du juge administratif, notamment le Conseil d’Etat, juge par excellence du contrôle de l’action administrative. Ce sont les décisions qu’il est amené à prendre à cette occasion qui rencontrent la résistance de l’administration.
Comment amener par exemple t’Etat à tirer les conséquences d’une décision d’annulation ? La possibilité est donnée ainsi, au Conseil d’Etat, de prescrire « un délai d’exécution », lorsque l’arrêt implique que l’administration prenne « une mesure d’exécution dans un sens déterminé ». Au cas où l’arrêt implique que l’administration « prenne à nouveau une décision, après une nouvelle instruction », le juge prescrit également que « la décision doit intervenir dans un délais déterminé », et il a même le pouvoir, dans ces cas, d’assortir sa décision d’une astreinte, sans préjudice de dommages et intérêts ».
En cas de refus d’exécuter, ou en cas d’inexécution d’un arrêt, trois mois après sa notification, pouvoir est donné au président du Conseil d’Etat, sur requête de la partie intéressée, d’en définir les mesure d’exécution, en fixant, au besoin « une astreinte comminatoire dont le montant ne peut être inférieur à 1000.000 de francs CFA » Le Conseil d’Etat peut encore engager la responsabilité personnelle et prononcer une condamnation pécuniaire contre un agent ou une autorité administrative, s’il est avéré que l’inexécution totale ou partielle est de son fait.
Tous ces moyens d’incitation ou même de coercition lorsqu’il s’agit des agents l’Etat, sont cependant d’un effet limité dans la mesure ou le juge ne peut procéder lui-même à l’exécution de ses propres décisions.
- L’ETAT EST TENU DE FAIRE EXECUTER LES DECISIONS DE JUSTICE.
Il s’agit exclusivement des décisions rendues par le juge judiciaire dans des litiges ayant opposé des particuliers. Les sentences pénales rendues également par le juge judiciaire sont soumises à un régime d’exécution différent puisqu’elles ne sont jamais étrangères à l’Etat. Elles sont rendues sur réquisitions du ministère public, agissant en qualité de représentant des pouvoirs publics, ce qui expliquent que leur exécution relève de sa compétence exclusive. La loi donne le droit aux procureurs généraux et aux procureurs de la république le droit de requérir directement l’assistance de la force publique à l’effet d’assurer cette exécution.
Les décisions judiciaires rendues en matière civile, commerciale et sociale sont exécutées par le commissaire de justice, qui ne sollicite le concours de la force publique qu’en cas de difficulté. L’Etat est alors légalement tenu de prêter son concours en mettant à la disposition de l’agent d’exécution, la force publique. Mais là encore, on relève réticences, mauvaise volonté, voire refus pure et simple des pouvoirs publics de faire exécuter les décisions judiciaires.
- Le commissaire de justice a le droit de requérir directement la force publique.
L’ordre d’exécuter contenu dans la formule exécutoire est donné par le Président de la République, et le rôle de chaque intervenant y est indiqué. Le Président ordonne au commissaire de justice de pourvoir à l’exécution ; aux procureurs d’y tenir la main, aux commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis. Au sens premier du texte, cela veut dire que si le commissaire de justice, mandaté comme agent public par le chef de l’Etat à l’effet d’assurer l’exécution, se heurte à une résistance, il requiert, au besoin avec l’appui du procureur de la république, qui doit « y tenir la main », le concours de la force publique, qui doit être mise à sa disposition par l’autorité administrative qui la commande.
Mais, sous la pression des évènements sociaux et politiques, les autorités administratives, mues par une crainte sans doute exagérée des troubles à l’ordre public, ont tendu, par des circulaires ministérielles, à empêcher l’intervention de la force publique dans l’exécution forcée, et à dénaturer l’action du parquet en faisant de lui un temporisateur, alors que la formule exécutoire lui prescrit de tenir la main à l’exécution.
- L’Administration à le droit de refuser le concours de la force armée à l’exécution forcée.
S’il est jugé que le justiciable nanti d’une sentence judiciaire revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur l’appui de la force publique, pour assurer l’exécution de son titre, il est aussi admis que le Gouvernement doit apprécier les conditions de cette exécution et refuser le concours de la force armée, s’il estime qu’il y a danger pour l’ordre public.
Mais l’ordre public ne saurait justifier l’inexécution excessivement prolongée d’une décision de justice. Si le concours de la force publique ne peut être accordé, l’Etat doit mobiliser d’autres moyens pour garantir les droits des justiciables. Il est vrai que ceux-ci peuvent être fondés à demander à l’Etat la réparation pécuniaire du préjudice que leur a causé, dans l’intérêt général, le refus de concourir à l’exécution. Cependant, il ne faut pas considérer cette indemnisation comme une compensation de l’inexécution de la chose jugée dédouanant l’administration de du respect de son obligation.